vendredi 21 décembre 2012

Ballets oubliés (1)

C’est la mode, tout le monde fait des listes. Voilà donc une liste totalement suggestive de ballets que j’ai vus depuis 15 ans que je fréquente l’Opéra de Paris (il ne comporte donc pas, si vous suivez, de ballets sans doute géniaux et qui mériteraient d’être remontés, mais que je n’ai pas vus, ni de ballets qui n’ont pas été donnés à l’Opéra pendant cette période), et que j’aimerais revoir sans avoir la certitude qu’ils y soient jamais redonnés. Liste au Père Noël. (non, Madame Lefèvre, le costume de Père Noël ne vous va plus du tout).

dimanche 16 décembre 2012

Journal d'automne - Décembre (1)

1er décembre – Enfin les Contes ! Ce n’est pas du tout original, mais j’ai adoré pouvoir enfin entendre le chef-d’œuvre absolu d’Offenbach ailleurs qu’au disque (même si je continuerai à aimer au-delà des mots l’enregistrement de Kent Nagano, le seul qui soit à la hauteur). Quand l’Opéra de Paris ose encore aujourd’hui afficher Les contes d’Hoffmann dans une version indignement charcutée de la partition, il faut aller à Pleyel – avec son acoustique pourtant hostile – pour entendre enfin ce chef-d’œuvre qui appelle la scène à chaque instant. Plus de trois heures de musique sublime, dirigé par un chef compétent (que n’aura pas l’Opéra de Paris tant qu’il en restera à son charcutage), avec des chanteurs capables sinon absolument enthousiasmants… Merci à donc à Marc Minkowski et à Jean-Christophe Keck, restaurateur soigneux et passionné – même si je n’ai pas tellement goûté les récitatifs qu’il a composés pour l’occasion, qui m’ont paru trop chargés. Mais on espère tout de même un enregistrement de cette version.

3 décembre – Les médias sont indispensables pour créer des agitations médiatiques inutiles autour de faits détournés en dépit du bon sens. Voilà qu'on nous rebat les oreilles d'une augmentation du budget de la culture en Allemagne. 8 %, les gars, rien de moins ! C'est sans doute factuellement vrai ; mais en déduire, comme je l'ai lu plusieurs fois, que l'Allemagne ferait un effort considérable (8 % !) pour investir dans la culture pendant que la France s'en désintéresserait, c'est surtout une belle marque de stupidité. Ce qui augmente(rait) de 8 %, c'est le budget culturel du Bund, de l'Etat central, qui ne représente pas grand-chose dans le financement de la culture en Allemagne. Pendant ce temps, les principaux financeurs que sont les communes (étranglées par les dettes), les Länder et les radios sabrent à grands traits dans leurs budgets culturels, qui sont sans commune mesure avec ce que dépensent les collectivités territoriales en France. Le sommet de l'horreur, c'est la fusion décidée des deux orchestres de la radio SWR (sud-ouest), celui de Stuttgart à résonnance uniquement locale et celui de Baden-Baden et Fribourg, qui est le symbole de la reconstruction culturelle de l'Allemagne d'après 1945, avec sa politique exceptionnelle en faveur de la création contemporaine sous la direction de chefs comme Hans Rosbaud, Ernest Bour, Michael Gielen, Sylvain Cambreling et aujourd'hui François-Xavier Roth. L'herbe n'est pas toujours plus verte ailleurs.

4 décembre – Il paraît que Cecilia Bartoli a été huée lors d’un concert (dirigé par Daniel Barenboim) à la Scala : le monde lyrique ne s’en remet pas, comme il ne se remet pas des huées adressées à Patrizia Ciofi lors de la générale de La Traviata à Avignon, ni de celles adressées au metteur en scène Yves Beaunesne à la générale de Carmen à l’Opéra de Paris. Malgré les similitudes, ces trois histoires sont pourtant très différentes.
Les huées visant Patrizia Ciofi, qui avait fait le choix de s’économiser pour pouvoir assurer au mieux les représentations, sont à la fois indignes et stupides. Je défendrai toujours le droit de huer chanteur, chef ou metteur en scène lors d’une représentation, mais on parle ici d’une chanteuse en répétition qui n’a rien à prouver face à un public venu par privilège.
À Paris, le principe de la répétition s’applique aussi en partie, mais on peut tout de même partir du principe que le produit « mise en scène » est fini à ce stade et plus ou moins invariant. Je ne me prononce bien entendu pas sur la valeur du spectacle que je ne verrai sans doute pas…
À Milan, c’est encore différent : un public – fût-ce ce public – exprime son opinion sur la prestation d’une artiste. S’y mêlait sans doute, il est vrai, une animosité personnelle contre une chanteuse qui n’a pas dit que du bien du public italien, et à qui on a certainement voulu rendre la monnaie de sa pièce. Vous en penserez ce que vous voulez, mais j’avoue ne pas réussir à en vouloir au public milanais. Car, je l’avoue, Mlle Bartoli m’horripile depuis quelques années. Depuis qu’elle est devenue cette machine à faire des récitals bankable, faisant tourner le disque avec la régularité métronomique d’un boys band bien huilé, et avec autant place pour la spontanéité sur scène (ses éternelles quatre mines !). Et depuis que son chant, réduit ou presque au concert soliste où elle est reine et n’a pas à craindre la concurrence de ses collègues, est devenu une pure mécanique sans âme. Le contexte n’était peut-être pas le bon, les hueurs milanais sans doute pas des gens fréquentables, mais au fond de moi, quelque part, il y a un petit diable qui ricane joyeusement. Eh oui.

8 décembre  – Tiens, Sophie Koch à Metz, chantant Wagner (les Wesendonck et un air de Rienzi) et Strauss (la fin du prologue d'Ariane, bizarrement présentée comme un air). Dans l'écrin du récital (avec le décidément très honorable Orchestre National de Lorraine sous la direction de Jacques Mercier, son parfait directeur musical), la conduite purement instrumentale de la voix gêne moins que sur la scène de Bastille. Je ne succombe pas, mais c'est très agréable, en dehors des quelques bizarreries de prononciation.
 

9 décembre – Il apparaît que cette Carmen de l'Opéra de Paris est bien pire que ce que j'aurais pu imaginer. Je n'ai jamais cru un seul instant que les nouvelles productions récentes de Faust (Martinoty) ou de Manon (Serreau) puissent être autre chose que des catastrophes, et le résultat m'a donné raison. Pour cette Carmen, à l'inverse, j'avais quelques raisons d'être beaucoup moins pessimiste, à tel point que j'ai eu l'intention de prendre une place (heureusement, le système de réservation révoltant de l'Opéra de Paris m'en a empêché) : cette fois, visiblement, j'avais tort. Je crois que c'est historique, tout de même : metteur en scène hué, Carmen huée, Don José hué. Ce que j'ai entendu de la mise en scène m'a paru fort lamentable en effet ; je suis un peu triste pour Nikolai Shukoff, qu'on a déjà entendu à Paris dans ce rôle, et qui, indépendamment de sa prestation du soir, est un chanteur de valeur. Pour Mlle Antonacci, je dois avouer que les huées ne me surprennent en revanche pas. Sa Carmen de l'Opéra-Comique était déjà peu intéressante, sans couleur, sans profondeur. Mais depuis, il y a eu cette Cassandre (Les Troyens) à Londres, qui m'avait consterné par la dégradation de la voix, désormais réduite à une profération sans timbre. Mais dans le monde de l'opéra d'aujourd'hui, perdre sa voix n'est plus un problème, on peut très bien continuer sans. Voyez Dessay et d'autres.

mardi 4 décembre 2012

Journal d'automne - octobre/novembre 2012


Je pense que ça va devenir une habitude, avec toutes mes excuses, pendant les périodes de débordement majuscule : quelques notes de journal à défaut de messages plus construits – qui sait, peut-être arriverai-je même un jour à les poster en direct, plutôt que de faire ça un mois plus tard…

dimanche 25 novembre 2012

Vertus des métropoles, charmes des provinces


Vous vous souvenez peut-être que je vous avais parlé d’un troll qui venait orner mes messages d’une prose toujours agressive et rarement nourrie de contenu (message aux trolls potentiels : plutôt que de me faire grief des méchantes choses que je dis sur l’Opéra de Paris, dites-moi donc ce qui s’y passe de beau, ça pourra m’instruire, qui sait ?). L’un de ses derniers commentaires m’avait cependant bien amusé : comme je critiquais une grande institution comme l’Opéra en faisant l’éloge de petites institutions comme les théâtres de Bâle ou d’Augsbourg, il m’a accusé de ressasser une « vindicte contre le parisianisme » et d’un éloge partisan de « la province forcément vertueuse ». Et ça, il faut bien dire, ça m’a fait beaucoup rire, parce que je me suis fait traiter pendant des années de parisianiste méprisant la province, par exemple suite à ce que j’écrivais sur le théâtre de Metz (dont je n’ai pas parlé depuis longtemps, d’ailleurs).

La Traviata à Augsbourg (photo Theater Augsburg)

mercredi 7 novembre 2012

Salzbourg 2013 : mes premières réactions

Attention : ce message est évolutif ! Rechargez-le pour voir plus de détails !
Pendant ce temps, je twitterai aussi en anglais, à l'adresse que vous connaissez j'imagine tous : https://twitter.com/Musicasola

En direct du site du Festival tout juste mis à jour, voici mes premières réactions au nouveau programme. Je me concentrerai dans un premier temps sur les concerts, puisque comme d'habitude on savait d'avance à peu près tout sur l'opéra (et ça ne faisait pas plus envie que cela...).

Les concerts

Les séries classiques

Mozart-Matineen

C'est la descente aux enfers pour cette série si attachante, avec un mélange hétéroclite de toute sorte de marchandises musicales. De nouveau, la série sert à vendre du contemporain (Takemitsu avec Hengelbrock), mais elle fait aussi la promotion d'une œuvre aussi peu connue et sous-estimée que la Pastorale de Beethoven (avec le médiocre Adam Fischer), ou elle poursuit la thématique patriotique avec une œuvre de Gerhard Wimberger, déjà oublié avant sa mort. On y joue un peu de Mozart, aussi, parfois, mais trop souvent des œuvres déjà très connues, en négligeant la vocation de découverte de la série : le Requiem par Hengelbrock, trois concertos pour piano de la maturité par Rudolf Buchbinder, le concerto pour clarinette...
Et côté interprètes ? Là aussi, le potentiel de découverte est proche de zéro : le plus jeune chef aura 55 ans l'été prochain !!! Rien à attendre d'Adam Fischer, de moins en moins de John Eliot Gardiner ; restent des chefs sympathiques et bien connus comme Thomas Hengelbrock, Ingo Metzmacher et Ivor Bolton...

Wiener Philharmoniker

Là encore, l'absence d'originalité est terrible : peut-on croire que ces gens vont encore jouer un Requiem de Verdi (avec Muti) ? Bruckner est devenu le compositeur tutélaire des Viennois : cette fois, ce sera la 5e avec Thielemann, un chef que je n'apprécie pas plus dans ce répertoire qu'ailleurs. Le seul concert véritablement intéressant sera celui de Nikolaus Harnoncourt avec Les saisons de Haydn, mais je crains de ne pas être arrivé à Salzbourg suffisamment tôt.

Liederabende

Christian Gerhaher, c'est devenu comme une obligation : cette fois, c'est Schumann, et je m'en réjouis comme je me serais réjoui d'à peu près n'importe quel programme de ce chanteur. Plus rare, la magnifique Juliane Banse chantera, elle aussi, Schumann, mais aussi La vie de Marie de Paul Hindemith, une œuvre que je ne connais pas (j'estime peu Hindemith, mais sait-on jamais).
Je suis plus réservé sur Michael Schade, très présent à Salzbourg ces dernières années : pas sûr que je prenne le risque d'un Voyage d'Hiver avec lui. Pour le reste, on ne sait pas ce que chantera Edita Gruberova, simple récital d'airs d'opéra ou vrai Liederabend. Erwin Schrott, mauvais chanteur, se contentera de massacrer du tango (oui, on est bien à Salzbourg), et Florez réjouira les amateurs d'opéra, tant pis pour ceux qui pensent que le Lied, à Salzbourg, mériterait une vraie place.

Solistes et musique de chambre

Comme toujours, l'offre est trop riche pour qu'on commente tout ; à signaler, la suite de l'intégrale des quatuors de Beethoven par les Hagen, ce qui n'est quand même vraiment pas original (le fait que les Hagen soient de Salzbourg donne la teinte patriotique de la chose, qui me déplaît toujours autant) ; pour le reste, la musique de chambre disparaît presque totalement, tant elle est absorbée par d'autres séries, notamment le contemporain (c'est ce qu'on appelle le partage des nuisances...). Côté solistes, l'originalité est l'invitation de Rudolf Buchbinder, très populaire en pays germaniques, aux côtés de trois grands classiques, Kissin (beau programme varié), Pollini (Schumann/Chopin) et Sokolov.

Les thèmes

El Sistema

Je ne sais pas si c'est vraiment très justifié artistiquement, mais le "Système" vénézuélien revient cette année, avec l'Orchestre Simón Bolívar et Gustavo Dudamel à tous les étages, notamment pour certaines parties du cycle Mahler (j'avais vu une Deuxième qui m'avait fort peu enthousiasmé).

Ouverture spirituelle 

La série, que je persiste à interpréter comme une exaltation très réactionnaire de l'Autriche catholique, se fait cette année plus discrète, tant elle se fond dans les autres séries. 

Côté contemporain

Japon

Un thème original, avec en vedette Toshio Hosokawa (j'en écoutais justement hier soir, quel hasard !), un compositeur que je connais mal mais qui me paraît fort estimable. À signaler, une création avec la délicieuse Anna Prohaska.

Birtwistle

Autour de son opéra Gawain, le festival programme comme toujours pour les opéras contemporains quelques concerts ; j'avoue ne pas connaître vraiment ce compositeur, mais je suis toujours partisan de ce genre de plongées un peu intensives : en repartant de Salzbourg, j'espère, j'aurai une opinion un peu étayée sur son travail !

Opéra

Faisons les choses simplement : ordre d'intérêt décroissant ! Opéras en concert à la suite, dans une rubrique à part.

Gawain (Harrison Birtwistle)

Prioritaire, parce que l’œuvre n'a jamais été redonnée depuis la production initiale au Royal Opera, parce que la production est signée Alvis Hermannis, un des plus grands metteurs en scène européens, et parce que la distribution (Maltman, Aikin, Tomlinson) est bien tentante. Espérons que l’œuvre le mérite, c'est ma seule inconnue - oui, de taille !

Lucio Silla (Mozart)

Autre rareté, surtout en version scénique, cet opéra de jeunesse de Mozart fait bien envie, pour peu que Marc Minkowski ne le laisse pas défigurer comme l'avait fait Günter Kramer avec Mitridate en 2005. Dommage seulement qu'il faille sacrifier le rôle-titre à Villazon pour avoir le droit d'entendre cet opéra à Salzbourg.

Les Maîtres-Chanteurs de Nuremberg (Wagner)

Evidemment, pourquoi payer les prix salzbourgeois quand la production viendra ensuite à Paris ? Si j'y vais, ce sera la première fois que je verrai une production de Stefan Herheim (eh oui, c'est possible), dont j'ai naturellement beaucoup entendu parler, même si ce que j'en ai entendu ne m'a pas toujours convaincu (et les Maîtres-Chanteurs ne sont pas Parsifal !). Ce qui justifie la position de cette production dans mon classement, c'est avant tout Daniele Gatti, qui n'est pas un bon chef en général, et qui dans ce répertoire germanique a une tendance à tout appuyer en jouant au Furtwängler d'aujourd'hui qui m'insupporte. Côté distribution, Michael Volle en Sachs est presque une évidence, les autres auront à faire leurs preuves.

Norma (Bellini)

Ex aequo,  à vrai dire, avec les Maîtres. L’œuvre me plaît beaucoup, j'ai à peu près confiance en Patrice Caurier et Moshe Leiser dont j'avais vu une très belle Cenerentola à Londres ; mais je ne suis pas sûr d'apprécier l'hystérie autour de Bartoli. Il va de soi, cependant, qu'une approche belcantiste et romantique de l’œuvre me va beaucoup mieux que certaines traditions plus lourdes dans cette œuvre !

Don Carlo (Verdi)

Je sais, j'ai l'air de faire la fine bouche, parce que tous ces chanteurs ont déjà souvent chanté ces rôles, parfois ensemble d'ailleurs (j'avais vu Harteros et Kaufmann à Munich, par exemple). La version est celle en 5 actes (ouf), mais en italien (zut), et la mise en scène, avec Peter Stein, est absolument sans aucun espoir. Pappano est très bien dans ce répertoire, certes.

Falstaff (Verdi)

Falstaff, c'est avant tout une question d'esprit d'équipe : la distribution ne comporte pas de stars, mais ce n'est pas nécessairement l'important. La mise en scène est confiée à un affidé de Pereira, ce qui m'inquiète (Damiano Michieletto); surtout, c'est Zubin Mehta qui dirige, et je ne le crois plus capable aujourd'hui de faire le travail d'infinie finesse que l’œuvre demande.

Così fan tutte (Mozart)

Là, je ne fais pas la fine bouche : ce spectacle n'a simplement aucun intérêt, et même pire. Passe encore pour une distribution de routine zurichoise ;  le double très gros problème, c'est d'une part le chef, qui n'a rien à dire dans Mozart (Franz Welser-Möst), d'autre part le metteur en scène Sven Eric Bechtolf, qui a massacré la pauvre Ariane à Naxos cet été et risque bien de ne pas faire mieux en 2013.

Opéra en concert

Vous avez remarqué ? 2013, c'est le double centenaire Verdi/Wagner. Plusieurs versions de concert, donc : je suis sûr qu'Anna Netrebko vous a manqué dans ce que j'ai écrit précédemment ; elle sera bien là, avec Placido Domingo, pour une Giovanna d'Arco en concert

lundi 15 octobre 2012

Médée et ses hommes

Eh oui, Médée au Théâtre des Champs-Elysées a tenu ses promesses. Hélas. Et à votre avis, à qui la faute ?

Jonathan Meese, c'est... profond. Remarquez la petite signature en bas à droite : Meese n'est pas un vulgaire scénographe, c'est un artiste.

jeudi 11 octobre 2012

Kurtág ! - Quelques éléments de discographie

En complément du message précédent, et animé pour une fois du besoin étrange de me rendre utile, je voudrais signaler quelques disques et autres qui permettent d'appréhender au mieux l'oeuvre de Kurtág. Je ne cherche pas l'originalité : parmi les dizaines de disques qui comportent une ou plusieurs oeuvres de Kurtág, je voudrais simplement mentionner les essentiels.
(au passage, on peut se fier pour tout ce qui est antérieur à 2005 à une brochure PDF sur le site d'editio musica budapest : catalogue des oeuvres et discographie complète à la date de parution).

Kurtág version authentique : les compagnons de route

Játékok et transcriptions de Bach - Márta et György Kurtág - ECM New Series 1619 : une autre version du programme entendu il y a quelques semaines.
Musique pour cordes - Quatuor Keller, etc. - ECM New Series 1598 : principalement les quatuors à cordes, hormis le tout dernier.
Portrait-concert - András Keller, G. et M. Kurtág, Peter Eötvös, etc. - Col legno WWE 31870 : le tout-Budapest musical en visite à Salzbourg en 1993 pour un panorama passionnant de 30 ans de création musicale. Le CD n'est pas très bien édité mais on l'oublie en l'écoutant !
Grabstein für Stephan, Stele - Berliner Philharmoniker, Claudio Abbado - Deutsche Grammophon 447 761-2 : Deux grandes oeuvres orchestrales placée en regard des Gruppen de Stockhausen ; Stele était une commande de Claudio Abbado. Récemment réédité.
Kafka-Fragmente - Juliane Banse, András Keller - ECM New Series 1965 : il aura fallu attendre 2006 pour disposer d'une version enthousiasmante de cette oeuvre essentielle...
Oeuvres pour soprano - Adrienne Csengery, etc. - Hungaroton HCD 31821 : Kurtág par son interprète-créatrice de l'époque où Kurtág n'était qu'un inconnu isolé du mauvais côté du rideau de fer.

Kurtág aujourd'hui : réappropriations

Kurtág's Ghosts - Marino Formenti - Kairos 0012902KAI : Une plongée fascinante dans l'univers musical d'un compositeur plus que tout autre héritier de toute la tradition musicale, de Guillaume de Machaut à Ligeti. Et une toute autre approche des pièces de Kurtág que celle des maîtres.
Bridges - Quatuor Kuss - Sony 88697092162 : Parmi les très nombreux quatuors qui ont abordé Kurtág, voici l'une des traversées les plus originales, de Roland de Lassus à Thomas Adès en passant par Dowland et Stravinsky.
Hommage à R. Sch. - Kim Kashkashian, etc. - Dialogue entre Kurtág et Schumann, autour du trio du même nom op. 15d, qui reprend l'instrumentation des Märchenerzählungen op. 132. Kashkashian vient d'enregistrer un disque de Signes, jeux et messages (l'équivalent pour les cordes des Játékok pour le piano), à découvrir.
Les sept dernières paroles du Christ en croix - Jan Michiels - Eufoda 1356 : Kurtág et Janácek comme méditations sur les méditations de Haydn. Il n'y a que 5 minutes de Kurtág, mais c'est superbe.

Les livres

Il y en a quatre en français. Deux d'entre eux ont toute la profondeur, mais aussi un peu la sécheresse des colloques universitaires :
Pierre Maréchaux, Grégoire Tosser (dir.), Ligatures. La pensée musicale de György Kurtág, Presses Universitaires de Rennes 2009.
Marta Grabosz, Jean-Paul Olive, Gestes, Fragments, Timbres. La musique de György Kurtág, L'Harmattan 2009.

En 1995, les genevoises éditions Contrechamps avaient eu la bonne idée de réunir un certain nombre de textes importants écrits en français jusqu'à cette date :
Philippe Albèra (dir.), György Kurtág. Entretiens, textes, écrits sur son oeuvre, Contrechamps 1995.

Mais elles ont fait mieux depuis : un volume tout entier consacré à des entretiens avec les Kurtág, qui vous fera entendre leur voix de manière profondément intime. Un livre passionnant, mais aussi drôle, touchant, profond :
Philippe Albèra (dir.) : György Kurtág - Entretiens, textes, dessins, Contrechamps 2009.

Un documentaire

Tout aussi recommandé que le livre précédent : un beau documentaire édité en DVD chez Ideale Audience sous le titre György Kurtág - L'homme allumette (avec un autre documentaire sur Peter Eötvös). Ne pas manquer, en particulier, l'apparition de Ligeti et son résumé très pertinent, en une seconde, de toute l'oeuvre de Kurtág.

lundi 8 octobre 2012

In memoriam Nicolas Joel

Figurez-vous que je suis content. Content, bien sûr, parce que l'incertitude concernant l'avenir de l'Opéra de Paris est désormais levée. Content parce que Nicolas Joel, à cette occasion, a trouvé le moyen de se ridiculiser une fois de plus. Mais aussi, surtout, content parce que son vainqueur est Stéphane Lissner.
(je devais mettre en ligne un article de plus sur Kurtag, du côté des disques et des livres : ce sera pour très bientôt, l'actualité reprend ses droits !)

samedi 6 octobre 2012

Kurtág ! (je suis un monstre)

C'est une belle histoire, et comme toutes les belles histoires, elle n'a aucun intérêt : je vous avais annoncé que le cycle Kurtág de la Cité de la Musique serait un grand moment ; ô suprise, il l'a été, sans aucun doute. Je me permets de le dire même si je n'ai pu assister qu'à une petite partie de l'ensemble - le concert du quatuor Keller, celui des époux Kurtág et la journée de master-class. Et, même si ça intéressera cent fois moins le lectorat des blogs musicaux que si j'avais dit du bien ou du mal, intelligemment ou bêtement, d'un quelconque spectacle de l'Opéra de Paris, je vais en parler un peu en détail.

vendredi 28 septembre 2012

Marthaler !

Oui, Marthaler : les amateurs d’opéra poussiéreux vont croire qu’on les provoque (ils sont faciles à provoquer) ; mais le monde tourne encore en dehors des sphères lyriques. Christoph Marthaler, encore heureux, n’est pas absent de Paris depuis que Gerard Mortier a quitté les rênes de l’Opéra, de même qu’il y avait droit de cité avant 2004. On avait pu voir, l’an dernier, sa fantaisie polaire +/- 0 ; cette fois-ci, c’est à un spectacle plus classique, plus immédiatement abordable, que le Festival d’automne – institution indispensable ! – propose au public parisien qui ne se fait d’ailleurs pas prier (salles pleines, ovations, et tout le tintouin).
Et qui fait les changements de décors ?

lundi 17 septembre 2012

Et la danse ?

Tout à la question de la succession de Nicolas Joel, j’ai oublié dans le message précédent d’en profiter pour parler d’une autre succession pendante à l’Opéra de Paris, celle de Brigitte Lefèvre, qui prendra une retraite certainement méritée, mais surtout très attendue, en 2014.
Incompris du public car massacré par les danseurs : Rain de Keersmaeker, révélateur d'une troupe malade

samedi 8 septembre 2012

Rendez-moi l'Opéra !

On m'a volé l'Opéra de Paris. L'Opéra, c'est, ou c'était, un peu ma seconde maison : il m'est arrivé, il y a quelques années, d'y voir cinquante représentations en une saison, ballets comme opéras, quand j'étais parisien. C'est dire qu'il ne m'est pas agréable d'en dire du mal, et que je tente, avec un succès variable selon les moments, de bien faire la distinction entre l'évolution récente de la maison, que j'abhorre, et l'institution elle-même, qui transcende les époques et les hommes et que j'aime toujours autant (c'est un peu la même chose pour le festival de Salzbourg, pour ceux qui n'auraient pas compris).

lundi 3 septembre 2012

Salzbourg 2012 (5) - Bonheurs de concerts

Je ne vais pas vous faire perdre votre temps : des beaux moments, des concerts de haut niveau, il y en a eu, bien sûr, et il y en a eu beaucoup. Non, les petites notes ci-dessous prendraient une ampleur incontrôlable si je devais faire la liste de tous les bons interprètes, de tout ce qui m'a plu, malgré l'orientation politique et artistique de la direction. Je vais donc me limiter au sublime, qui est après tout ce qui justifie vraiment qu'on fasse le voyage - en dehors de la beauté de la ville et de l'excellence de l'offre gastronomique autrichienne, qui ont leur importance aussi, mais ce n'est pas le propos.

mercredi 29 août 2012

Salzbourg 2012 (4) - Les concerts, vue d'ensemble

Ceux qui me lisent régulièrement le savent bien : pour moi, Salzbourg, ce n'est pas que l'opéra, c'est aussi, et avant tout, les concerts. J'ai vu pour cette année une bonne vingtaine de concerts, certains très prestigieux, d'autres pas du tout, certains très pleins, d'autres beaucoup moins ; je ne vais pas, évidemment, écrire trois pages sur chacun d'eux, mais je vais vous en parler en deux parties : la première plus institutionnelle, concernant la programmation et la manière dont j'ai pu en vivre la réalisation (message très critique, comme vous verrez), la seconde plus personnelle, où j'ai pris le parti héroïque de ne parler que des moments exceptionnels que m'a offert cette année, malgré sa direction, le festival.

mercredi 22 août 2012

Salzbourg 2012 (3) - Les Soldats, retour sur une oeuvre maudite et sanctifiée


Victoire par K.O. : on savait bien que cette nouvelle production de l’opéra unique et monumental de Bernd Alois Zimmermann Les soldats avait tout pour être l’événement (et pour servir de cache-misère culturel à une programmation par ailleurs très commerciale) ; par chance, le pari est réussi, pleinement, et le triomphe public lors de la générale et lors de la première ont toutes les chances d’êtres suivies par un triomphe critique.
Car oui, ayant en poche une place pour la première, j’ai pris la peine d’aller mendier devant la salle une place pour la générale, me disant qu’il ne pouvait pas être inutile de voir deux fois un pareil monument, que l’écoute aveugle ne m’avait jusqu’alors guère révélé.

Malheureusement, comme souvent, aucune photo correcte pour donner une vue d'ensemble... (Photo Ruth Walz)

lundi 13 août 2012

Salzbourg 2012 (2) - La Flûte enchantée, Harnoncourt et les autres


Si Ariane à Naxos aura été une cruelle déception, La flûte enchantée du Festival de Salzbourg aura été, dans l’ensemble, plutôt une bonne surprise – je n’en attendais, je l’avoue, pas grand-chose – j’avais, d’ailleurs tout comme pour Ariane, eu la prudence de me munir d’une place debout.


vendredi 10 août 2012

Salzbourg 2012 (1) - Ariane à Naxos, version originale modifiée


Salzbourg a beau ne pas être pour moi un festival lyrique avant tout, on y voit tout de même par ci par là un peu d’opéra. Je n’ai eu aucun mal à résister à La Bohème vendue pour Madame Netrebko ; mais j’ai tout de même cédé à quelques spectacles non dépourvus d’intérêt, au moins sur le papier.
Comme beaucoup de mélomanes, j’ai été vivement attiré par l’annonce d’une Ariane à Naxos de Strauss dans sa version originale, celle de 1912, appuyée sur Le Bourgeois gentilhomme de Molière et privée du magnifique prologue qui est sans doute ce que j’aime le mieux de tout l’œuvre de Strauss.

mercredi 1 août 2012

Aix-en-Provence, terre inconnue

Le hasard a fait que, pour la première fois, mes pas m’ont porté en ce mois de juillet au Festival d’Aix-en-Provence, Festival International d’Art Lyrique où je me suis naturellement employé à ne pas voir que de l’opéra, loin de là. J’en ai d’ailleurs profité pour faire quelques critiques pour Resmusica, je vous les indique au passage (à propos, je n'ai pas mentionné ici que j'avais fait une critique complète des 4 volets du Ring de Munich [Nagano/Kriegenburg, avec l'éblouissante Nina Stemme : vous trouverez les 4 critiques sur ma page Resmusica).
Je ne peux m'empêcher de mentionner, même si tout le monde s'en moque très légitimement, à quel point c'est une aventure pour moi, septentrional de cœur et de raison, de partir en expédition pour ces terres lointaines et inconnues qu'est le sud de ce pays. Bref, il y a peu de chances qu'on me revoie à Aix avant un certain temps ; c'est bizarre, ce quasi-malaise...

Le Grand Saint-Jean, vu du parc, à l'arrière de la scène. Photo Musicasola


samedi 28 juillet 2012

Bayreuth, ton univers impitoyable


La Franconie n’est pas particulièrement réputée, que je sache, pour son humour (encore que l’humour bavarois de manière générale, vu de France, puisse nécessiter quelques adaptations). Pourtant, une petite ville isolée tient année après année à livrer sa dose de comédie avec cette opiniâtreté bien bavaroise dans le respect des traditions qui fait l’admiration ou du moins l’étonnement du monde entier. Cette petite ville s’appelle Bayreuth, et un compositeur de la seconde moitié du XIXe siècle a eu l’idée étrange d’y fonder un festival, ce dont il se serait évidemment bien gardé s’il avait pu deviner que 129 ans après sa mort il aurait le malheur d’y être représenté par ses propres descendants. La livraison de comédie cette année est particulièrement dense et solide.

lundi 23 juillet 2012

Opéra de Paris, bilan 2011 (2)

Et voilà la suite de mes commentaires sur le rapport publié ces jours-ci, en toute discrétion, par l'Opéra de Paris sur l'année budgétaire 2011. Sans doute ce rapport était-il fait pour enfoncer le clou de la reconduction nécessaire de Nicolas Joel après la victoire tout aussi nécessaire de l'autre Nicolas - malheureusement pour les deux, l'Histoire en a décidé autrement, et ceux qui ont régné par la politique périssent par la politique, à commencer par Christophe Ghristi, le très compromis sous-fifre de Joel, dont le titre précis m'échappe. Le rapport, en tout cas, est , bien caché dans les méandres du site de l'Opéra. Signalons, au passage, que la démarche est notamment imitée du Royal Opera, qui a cette pratique de transparence depuis toujours : ne nous exaltons pas, faire preuve de transparence est normal et indispensable quand on a plus de 100 000 000 € de subventions.

vendredi 20 juillet 2012

Opéra de Paris, bilan 2011 (1)

Depuis l'époque Hugues Gall, l'Opéra de Paris a pris l'habitude de publier de manière plus ou moins claire, régulière et précise des rapports d'activité à destination du grand public : c'est évidemment la moindre des choses quand on reçoit 100 millions d'euros de subvention par an. Pour la deuxième année, Nicolas Joel a choisi la forme d'une brochure PDF, diffusée cette fois en toute fin de saison pour qu'on n'aille pas y mettre son nez de trop près, et dont j'ignore si elle existe aussi sous forme matérielle (si oui, autorisation à toutes mes connaissances de m'en mettre une de côté). Mais le PDF, en tout état de cause, permet d'en faire l'analyse.
Un des grands moments de la saison passée : le Faust ridicule mis en scène par Jean-Louis Martinoty. Je me suis dit qu'une tête de mort s'imposait au frontispice de cet article.


dimanche 15 juillet 2012

Marins londoniens (2) - Billy Budd, King of the birds

J’aurais peut-être dû commencer par là, ça aurait évité qu’on me prenne pour le râleur de service. Je suis allé à Londres pour Les Troyens, mais c’est bien la tragédie du beau Billy qui aura fait le prix de ce voyage – sans parler, du moins pour le moment, de danse.
D’abord – ce n’est jamais inutile de le rappeler –, ce qui fait le prix d’une représentation d’opéra, c’est… non, pas les chanteurs… non, pas la mise en scène… non, pas le chef… oui, c’est ça, c’est l’œuvre. Britten le moderniste pragmatique n’est pas aimé des lyricomanes de base, il est volontiers méprisé par les bouléziens de stricte observance : j’appartiens beaucoup plus à la seconde catégorie qu’à la première, mais j’aime les opéras de Britten, de Peter Grimes au Viol de Lucrèce, du Turn of the Screw à Billy Budd, sans même parler du Songe d’une nuit d’été où chaque note est un bijou. Le livret de Billy, avec son manichéisme volontaire, sa manière presque innocente de poser un problème moral, est une formidable machine dramatique qui met en lumière des problèmes sociaux, et donc politiques, de façon à la fois engagée et convaincante. L’opéra est plein de tendresse et d’admiration pour le très humain Captain Vere ; mais il ne laisse pas ignorer qu’il n’y a pas de Captain Vere sans John Claggart. La bonne âme de Sechuan en version Royal Navy, si on veut.
L’immense plaisir de cette nouvelle production de l’institution la plus britténienne du monde, l’English National Opera, c’est d’abord l’orchestre, curieusement non nommé sur la fiche de distribution, et son chef Edward Gardner. Gardner n’est pas inconnu du public français : Gerard Mortier avait invité ce chef pour la première fois en 2005, pour du ballet, puis pour L’elisir d’amore et The Rake’s Progress. Il n’avait pas alors fait grande impression, mais on finit par comprendre la rengaine : l’orchestre de l’Opéra n’accepte de travailler qu’à certaines conditions – deux en fait : vous devez déjà être un chef reconnu et vous ne devez pas perturber les bonnes vieilles habitudes. Ici, dans ce Billy Budd, le résultat est tout simplement magique : la clarté exceptionnelle de la musique de Britten, ses complexités insondables, sa puissance émotionnelle en clair-obscur, tout est là dans ce qu’on entend dans la fosse. Décidément : pas de bonne représentation d’opéra sans grand chef. Ici, ce qu’on entend dans la fosse aurait, je crois, suffi à mon bonheur même avec une distribution médiocre et une mise en scène plate.
Or la distribution, justement, n’était pas médiocre. Je ne suis guère convaincu par le Captain Vere de Kim Begley, qui remplaçait Toby Spence dont la grave maladie ne lui a pas permis de faire ici le retour qu’il espérait, et nous aussi. On l’a déjà entendu dans ce rôle à Paris en 1998 et 2010, selon le bon principe que Joel ne fait jamais que copier ce qu’avait fait Gall, mais Begley, correct en 1998, a décidément pris de l’âge et le résultat n’est pas très agréable, tout en sauvant l’essentiel. Tous les autres, en revanche, font très bien l’affaire. Benedict Nelson est suffisamment charismatique, même si le timbre est un peu érodé, en Billy, la longue litanie des seconds rôles est d’une qualité constante bien agréable, mais c’est pour moi Matthew Rose en Claggart qui domine les débats, avec une voix qui ne sombre pas dans le charbonneux, qui se permet la subtilité, et qui fait tenir le personnage par l’intelligence plus que par la force brute – son « Let him crawl » fait froid dans le dos précisément pour cela.
Quant à la production, disons-le : ce n’est certainement pas le travail le plus personnel de David Alden, loin de sa Rodelinda (DVD !), de son Retour d’Ulysse ou de son Ring. Mais le travail est propre, honnête, compétent, et il rend assez bien compte du contenu de l’œuvre. Le contexte maritime ne l’intéresse pas plus que cela, mais il rend compte de l’aspect concentrationnaire du navire avec pertinence et efficacité.
Dommage que l’English National Opera, avec sa politique commerciale stupide (vendre les places trop cher puis les brader en dernière minute par les circuits les plus improbables), ne réussisse pas à vendre plus de 60 % de la salle : voilà une production qui aurait bien mérité de faire salle comble. Bien plus que l’escroquerie des Troyens.

mercredi 4 juillet 2012

Marins londoniens (1) – Énée et ses Troyens

Le concours n’est peut-être pas tout à fait fini, mais la nouvelle production des Troyens de Berlioz à Londres a quelque chance de constituer la plus grande déception de la saison lyrique européenne. Sans doute, le Royal Opera n’est pas coupable de tout – après tout, si Jonas Kaufmann a renoncé, c’est la faute à Berlioz qui a écrit un rôle qui dépasse un peu ses capacités, pas celle de Kasper Holten. Mais tout de même.

Pauvre cheval... Oui, c'est la nuit, visiblement.


jeudi 28 juin 2012

Journal de bord – 1er-27 juin 2012

En attendant de nouvelles aventures étrangères (planning très serré pendant tout l'été, à suivre !), quelques pérégrinations et réflexions diverses...

Non, ce n'est pas la Reine de la Nuit, mais Ginevra dans Ariodante à Bâle (photo Tanja Dorendorf, T+T Fotografie)


lundi 11 juin 2012

Journal de bord - 18-28 mai 2012

18 mai 2012, Metz – Mort de Dietrich Fischer-Dieskau. Je n’aime pas les nécrologies, mais il n’y a pas que ça. D’abord, je m’intéresse toujours plus à un chanteur vivant, actif, que je peux aller voir dans ce seul lieu possible pour la musique qu’est la salle de concert. Ensuite, parce que le souvenir de Fischer-Dieskau n’est pas si positif pour moi. Oui, j’ai un peu appris le lied avec lui, même si je ne l’ai jamais vu sur scène (son rival Hermann Prey si, une fois en 1995, pour une Belle Meunière crépusculaire et bouleversante). Mais aujourd’hui ? Je comprends l’émotion de ses successeurs directs, les Liedersänger barytons d’aujourd’hui, Christopher Maltman, Dietrich Henschel, le jeune retraité Thomas Quasthoff, Michael Volle, sans oublier Christian Gerhaher que j’aurai le plaisir d’entendre deux fois cet été. Mais voilà : l’art de Fischer-Dieskau, cette diction presque pédante, cette bonne éducation sans faille, cela ne me parle plus guère. Pour le Lied – et pas seulement – je préfère le monde version 2012 au monde version 1970. Saint Christian plutôt que saint Dietrich.

25 mai 2012, Sarrebruck – Début d’un court périple en Allemagne avec le Festival Perspectives, petit festival de théâtre franco-allemand, situé dans une ville proche de la France mais hélas fort laide. Monsieur Dagacar et la tectonique dorée de l’ordure, c’est le titre : du « théâtre documentaire », qui présente en scène d’authentiques ramasseurs d’ordures d’Istanbul, qui racontent leur histoire et leur vie, avec l’aide du collectif berlinois Rimini Protokoll, spécialiste de la chose, et pas inconnu à Avignon (non, je ne dis pas « en Avignon »). C’est intéressant, parfois drôle, pas du tout le spectacle sinistre et moralisateur que certains auront peut-être attendu des lignes précédentes ; on n’y reçoit pas non plus de grandes révélations qu’un simple reportage de magazine aurait ignorées – et ce beau moment n’est pas non plus le grand moment d’humanité qu’aurait pu être ce spectacle si… si… si par exemple l’authenticité affichée s’était accompagnée d’un peu plus de théâtre, disons. Comment disait-il, ce cher Rameau ? Cacher l'art par l'art même, non ?

26 mai 2012, Heidelberg – Parfois, on atterrit un peu par hasard à un spectacle. Ici, Long voyage du jour à la nuit d’Eugene O’Neill, pièce que j’avais jusqu’alors évitée tant mon attirance pour ce théâtre ultra-psychologisant et sensationnaliste du milieu du siècle passé est faible (merci, j’ai déjà donné avec Tennessee Williams et Edward Albee). Alors, au programme : alcool (le whisky, c’est bien, mais vous ne pourriez pas passer au vin ou au schnaps de temps en temps pour changer ?), dépression, enfant mort qui pèse sur la conscience de tout le monde, avarice, tuberculose, couple, relation mère-fils, relation père-fils, misère sexuelle, amour-haine, haine de soi… Oui, tout ça en deux heures. Il ne manquait vraiment qu’un peu d’inceste, et le manuel de psycho était complet. Efficace mais ringard, ringard mais efficace. Direction les oubliettes.

27 mai 2012, Heilbronn – Heilbronn, c’est vraiment une ville désespérée, mais l’appel des Noces de Figaro montées par Jan Philipp Gloger à Augsbourg, dont je vous avais déjà amplement parlé, a été le plus fort : me voilà donc à Heilbronn, ville dont les qualités ne sautent pas aux yeux, mais qui, faute de présenter une saison lyrique faite maison, invite des spectacles de maisons voisines. 26 € en première catégorie : on aurait bien tort de ne pas se faire plaisir. Moi qui me disais qu’il faudrait ne pas aller voir les Noces trop souvent, me voilà à voir ce spectacle créé en décembre 2010 pour la 3e fois… Et j’en suis sorti tout aussi secoué que les deux premières : voilà des Noces où on rit, où on est bouleversé, où toute la force de l’humour, des faux-semblants, de la pudeur mozartienne explose. Et quelle troupe ! N’en citons qu’une : Cathrin Lange, magnifique Susanna, aussi vive vocalement que scéniquement. Rien que la voir troublée pendant le premier air de Chérubin, ça vaut toutes les stars hollywoodiennes du festival de Cannes. Je parlais l’autre jour d’Hélène Guilmette : c’est un peu pareil avec Cathrin Lange, voilà des chanteuses dont on se dit, rien qu’à les voir, qu’il n’y a peut-être pas de quoi regretter le temps de Montserrat Caballé et de Luciano Pavarotti.

28 mai 2012, Stuttgart – J’aurai donc dû ma première visite dans la maison dirigée par l’immense metteur en scène Jossi Wieler aux hasards d’un train complet qui me pousse à rester un peu plus longtemps sur place. Au programme : Elektra, un des opéras que j’aime le moins d’un compositeur que j’aime toujours moins, bruyant et caricatural – mais dans une mise en scène de Peter Konwitschny, un des doyens valeureux de cette scène allemande si bouillonnante. Pas de grandes révélations ici comme celles qu’il nous avait offertes dans son Parsifal munichois, quelques idées moins bonnes, mais une production intelligente et efficace, portée par deux chanteuses remarquables : Barbara Schneider-Hofstetter, une Électre vocalement non sans défaut (on peut se passer des consonnes quand l’orchestre couvre, n’est-ce pas ?), mais admirable bête de scène, sans grands effets, mais avec une troublante présence scénique ; et Renée Morloc, qui ne rivalise pas avec les incroyables sortilèges de Waltraud Meier (Salzbourg 2010) du strict point de vue vocal, mais qui, dans un registre plus proche du parlando détimbré habituel, offre un régal de déclamation, plein d’intelligence et très présent.

lundi 4 juin 2012

Les Indes galantes à Toulouse, paradis à vendre

Billet scandaleusement en retard, mais rassurez-vous, je n’ai pas définitivement renoncé à actualiser ce blog un peu plus régulièrement  
Deux jours après la première d’Alcina à Bordeaux, Toulouse portait sur les fonds baptismaux une nouvelle production d’un autre chef-d’œuvre absolu du siècle des Lumières. Les Indes galantes, en France du moins, n’avaient pas eu les honneurs de la scène depuis la production de l’Opéra de Paris, créée en 1999, reprise jusqu’en 2003 et toujours disponible en DVD.

Les Indes version Eden...


mardi 22 mai 2012

Alcina à Bordeaux, David Alden en terre de France


Ces temps-ci, les amateurs de musique baroque (ou dite telle, à tort, mais ne chipotons pas sur les mots) doivent mettre cap au sud (ou à l'Est, mais je n'aurai pas pu voir le Farnace de l'Opéra du Rhin) : que Bordeaux monte Alcina de Haendel au moment même où Toulouse offre – en coproduction avec… Bordeaux… – Les Indes galantes, c’est une conjonction bien agréable, même pour qui, comme moi, préfère des contrées plus septentrionales. Première étape donc avec la magicienne bordelaise.

Alcina

samedi 12 mai 2012

Numéros de séries (2) : L'histoire de Manon

Il aura fallu 9 ans pour que L’Histoire de Manon de Kenneth McMillan revienne sur la scène de Garnier – j’avais découvert le ballet en 2003 justement, avec Aurélie Dupont et Sylvie Guillem. Son retour à Garnier était très attendu : qu'on ne compte pas sur moi pour en atténuer l'éclatante réussite.



jeudi 10 mai 2012

Numéros de séries (1) : La Bayadère

Le ballet classique, avec son répertoire microscopique, ne trouve sa justification, sa force vitale, que dans la comparaison. C’est très beau, un Lac des Cygnes ; mais trois, cinq, sept Lacs des Cygnes, c’est encore plus beau. Retour sur deux séries récentes au Ballet de l’Opéra de Paris, deux séries très différentes à l’issue desquelles on ne sait plus très bien où se tourner pour comprendre où va la troupe, mais où on aura au moins eu des moments assez exceptionnels.



vendredi 27 avril 2012

Massenet, résurgences d'un fantôme officiel

Le Général de Gaulle - trop rarement cité sur ce blog - se moquait de ceux qui, sautant sur leur chaise comme un cabri, s'écriaient "L'Europe, l'Europe, l'Europe". Qu'aurait-il dit de ceux qui, toujours à la façon des caprins précités, s'écrient à tout propos "Massenet, Massenet, Massenet". Oui, Françaises, Français, mes chers compatriotes, vous le savez, et votre cœur de patriotes bondit à cette seule phrase : il faut réhabiliter Massenet. Il faut aussi lutter contre le chômage et le racisme ambiant, certes, mais c'est secondaire. D'abord, il faut réhabiliter Massenet.

Massenet, Koechlin, Reynaldo Hahn, Max d'Ollone, tous ces noms dont pas un ne mourra...

vendredi 20 avril 2012

Shakespeare par Thomas Ostermeier : heureusement que Berlin vient à Paris

Des sous pour le théâtre ? Oui, mais pour le théâtre allemand. Plutôt que de subventionner en vain les théâtres français qui ne savent produire que du médiocre - mes excuses aux exceptions -, on pourrait financer par le ministère de la culture français les théâtres allemands pour qu’ils viennent ensuite encore plus souvent nous présenter leurs spectacles.

dimanche 15 avril 2012

La Didone, pour l'amour de Cavalli

Et de trois pour Cavalli. Pendant longtemps, Paris a totalement ignoré Cavalli, au point de manquer la magnifique Calisto mise en scène par Herbert Wernicke malgré ses nombreuses tournées et reprises (un spectacle – disponible en DVD – bien plus fort que l’Atys parisien, d’ailleurs). Et voilà qu’en peu de temps le TCE et l’Opéra-Comique nous offrent trois opéras différents : tout jugement de valeur mis à part, qu’ils en soient remerciés.

vendredi 6 avril 2012

Saison 2012/2013, le charme discret des beaux quartiers

Le Théâtre des Champs-Elysées, un opéra populaire ?

Vous savez, je ne plaisante qu'à peine : devant les évolutions tarifaires de l'Opéra de Paris ces dernières années, l'auguste maison de l'avenue Montaigne, en cette saison centenaire, peut passer pour la salle la plus ouverte de Paris en matière d'opéra (ce qui est dû en partie au fait que les temps sont durs pour une maison qui peine à remplir ses salles, mais chut). Ce qui, bien sûr, n'en fait pas nécessairement la plus confortable, surtout pour les places à bas prix (le parterre, en revanche, offre une place royale pour qui en a les moyens).

lundi 2 avril 2012

Tour d'Europe des saisons - 2

Départ imminent pour quatre nouvelles saisons aux quatre coins de l'Europe, ou presque...

vendredi 23 mars 2012

Menu de chef - la Cité de la Musique ou le Pantagruel gourmet

Menu de vrai gourmet à la Cité de la Musique, donc. Des dizaines de concerts alléchants qui vont du baroque au contemporain, avec même un opéra scénique, et tout ça dans une atmosphère concentrée, sans sacs Vuitton mais avec concentration et enthousiasme. Meilleure salle de concert de Paris, ça va sans dire. (Pas si) petit parcours.



mercredi 21 mars 2012

Menu de chef - La Cité, spécial Kurtág

N'y allons pas par quatre chemins : le programme de la prochaine saison de la Cité de la Musique pour la saison prochaine est une catastrophe, tant il accumule les cycles passionnants et les concerts indispensables. Je vais faire dans un prochain message aujourd'hui ou demain un tour complet de ce qui mériterait le déplacement ; mais vous me permettrez de commencer plus personnellement par le cycle consacré à un musicien qui compte beaucoup pour moi, et depuis longtemps : György Kurtág.



Menu de chef : Pleyel

Il est de bon ton de railler la place que prennent dans les institutions culturelles ceux qui les dirigent, alors même qu'ils ne sont en général rien d'autre que des gestionnaires culturels : la musique, que diable, ce sont d'abord les musiciens ! Sans doute, Laurent Bayle ne m'en voudra pas si j'avoue que mes admirations vont en premier lieu à Mariss Jansons ou Claudio Abbado, au Philharmonique de Berlin ou au Concertgebouw. Mais quand même : que serait la vie culturelle parisienne sans les deux salles qu'il dirige ?
Il faut distinguer, d'ailleurs, entre ces deux salles : à Pleyel, il y a un aspect industriel, un aspect mondain, qui n'est pas toujours très plaisant et qui est la rançon de sa triste situation au beau milieu du 8e arrondissement ; et il faut y accommoder des producteurs privés et deux orchestres résidents : Bayle ne l'a jamais caché, la situation n'est pas idéale, la tarification lourde et pas toujours très pertinente, et la liberté artistique y a d'étroites limites.
La Cité, c'est bien différent : on y respire un autre air, avec un choix beaucoup plus varié, souvent plus exigeant, sans oublier un public sans pareil - là où le public de Pleyel m'a par exemple définitivement chassé des pourtant si intéressants programmes construits par Maurizio Pollini entre grand répertoire et contemporain.

Explorons donc d'abord les surprises et les recoins du monstre froid avant de nous offrir la cuisine de fin gourmet de la salle du Grand Nord, celle où les bonnes gens des beaux quartiers ont peur d'aller.
Edit : pour cause de profusion incontrôlable, je ne publie finalement que Pleyel tout de suite. La Cité viendra très bientôt.

Pleyel, donc

J'avoue ne pas avoir été très enthousiasmé par la saison 2011/2012 de la Salle Pleyel : beaucoup de choses intéressantes, sans doute, mais pas assez pour me faire bondir de ma province ou pour résister face aux tentations du théâtre ou de la danse.
Les choses sont différentes cette année. D'abord parce que la saison accumule les concerts de prestige, ensuite parce que les propositions les plus diverses viennent enrichir ce qui pourrait n'être qu'un défilé de mode.

La valse des grands orchestres

Pleyel, comme toutes les salles équivalentes, joue une bonne partie de sa réputation dans sa capacité à faire venir les grandes écuries, avec un succès non négligeable d'ailleurs. Je suis encore et toujours très réservé sur la résidence sans fin du London Symphony Orchestra, un orchestre passe-partout qui n'est ni meilleur ni pire que des dizaines d'orchestres en Europe, y compris d'ailleurs en France ; le fait que le suractif Valery Gergiev en soit directeur musical n'arrange pas les choses, ses concerts étant trop souvent bâclés. Parmi les orchestres invités, il va de soi que l'attention est concentrée sur quelques événements incontournables :
  • Le Philharmonique de Berlin et Simon Rattle viennent pour deux concerts différents en février. On a beaucoup glosé sur les supposées insuffisances de Rattle à ce poste où il devait prendre la lourde succession d'Abbado, et certains ont posé un constat d'échec un peu rapide. Les flottements initiaux se sont envolés, et les Berlinois restent toujours, avec certain autre orchestre évoqué plus bas, un des plus passionnants du monde. Deux symphonies de Schumann, le 3e concerto de Beethoven avec Mitsuko Uchida - une pianiste qui me laisse parfois perplexe, mais peut aussi être très stimulante - et, comme souvent, de la musique du XXe siècle. Dutilleux, Lutosławski : deux compositeurs à qui je suis assez étranger, Dutilleux devenu l'apogée de la musique contemporaine officielle, Lutosławski déjà un peu oublié... Un peu de révision ne me fera pas de mal !
  • Claudio Abbado, bien sûr : nous voilà interdits de Lucerne cette année, il faudra donc se contenter de l'Orchestra Mozart, pour un programme encore largement à définir (mais un concerto de Mozart avec Radu Lupu, c'est déjà ça !).
  • Boulez, encore plus évidemment : deux concerts, l'un avec l'Orchestre de Paris pour un programme Ravel qui, comme tout programme Ravel, ne m'enchante pas, l'autre avec Lucerne pour un programme mêlant œuvres nouvelles (Harvey et Manoury, deux compositeurs que je fréquente également trop peu) et un classique de la modernité, Erwartung de Schoenberg.
  • Enfin, autre invité obligatoire, l'Orchestre royal du Concertgebouw d'Amsterdam : ouf, retour de Mariss Jansons à la tête de son orchestre après une année d'abstinence ; zut, le programme n'est pas passionnant (il y a tout de même des limites à l'emphase - c'est valable pour Strauss comme pour Tchaikovski). L'orchestre donne un second concert avec Gustavo Dudamel, un chef sur lequel je persiste à réserver mon jugement (je n'avais pas pensé du bien de sa 2e symphonie de Mahler à Salzbourg cet été, mais il est vrai que le niveau de l'orchestre Simon Bolivar n'est pas vraiment le même que celui du Concertgebouw) : espérons que les obligatoires pièces sud-américaines soient supportables ; ensuite, la Symphonie pas vraiment inédite du Nouveau Monde de Dvorák, qu'on connaît peut-être un peu trop, mais qui ne me déplaît pas, après tout.
Les autres invités, souvent eux aussi habitués, ne doivent pas être négligés : si vous ne pouvez aller voir les Berlinois (trop cher, places rares, atmosphère pesante), allez donc voir Budapest, avec un beau programme Bartók/Mahler, un chef majeur et des places qui culminent à 60 €, contre 145 pour Berlin !
Tout n'est pas parfait, bien sûr, et outre le cas Gergiev je peine en particularité à comprendre la place accordée à John Eliot Gardiner, qui est terriblement ennuyeux dès qu'il sort du baroque (pourquoi diable ne pas inviter plus souvent Philippe Herreweghe, qui avec le même parcours fait des choses cent fois plus intéressantes ?). De même, la place accordée aux frères Capuçon, peut-être justifiée par le remplissage (j'ai des doutes), est tout de même bien pénible - le sommet, c'est ce "concert en famille" où Renaud Capuchon a demandé à la grande actrice Laurence Ferrari, choisie uniquement pour ses compétences de diseuse, de dire le texte de L'histoire de Babar de Poulenc. Faute de goût !

Opéra et récitals vocaux

Comme tout le monde, je ne bondis pas d'enthousiasme à l'idée d'aller entendre de l'opéra à Pleyel, tant l'acoustique de la salle est réfractaire à la voix. C'est la mode des grands Wagner en concert : on aura donc l'an prochain un Tristan marqué par la présence de Nina Stemme, qui a enfin découvert ces derniers temps le chemin de Paris ; le reste de la distribution est moins brillant, mais je crains surtout l'art du chaos propre à la direction de Myung-Whun Chung. Fronts inversés pour des Contes d'Hoffmann dirigés par Marc Minkowski, un des meilleurs chefs français d'aujourd'hui et un des plus grands spécialistes d'Offenbach : rien que pour ça, et pour la version musicologiquement correcte qu'il présentera, il faut aller voir ces concerts - et il faut aussi espérer que Natalie Dessay annulera pour laisser la place à des chanteuses à la voix moins ravagée. J'ai longtemps défendu Dessay, mais aujourd'hui, s'il vous plaît, rideau. Et puis, pensez à Mireille Delunsch : elle aussi a une voix parfois meurtrie, mais quelle intelligence musicale, quel sens du théâtre ! Cela dit, Minkowski ne sera pas le seul à compenser : Naouri chez les méchants, Jean-Paul Fouchécourt pour la valetaille, ça ouvre des perspectives. Pour le reste, rien n'est véritablement à fuir, sinon Les pêcheurs de perles montées autour de Roberto Alagna (allez donc plutôt vous-mêmes à la pêche), mais je me passerai volontiers de l'ensemble : je n'aime guère les petits opéras vieillots de Ravel, pas plus que les courbes d’oscilloscope de John Adams, et j'ai trop souvent entendu Le château de Barbe-Bleue pour accepter d'y écouter les aboiements de Matthias Goerne.
Musicalement, c'est plutôt une bonne idée de monter Iolantha de Tchaikovski, mais ceux qui voudront s'y lancer devront avoir un bon porte-monnaie, une forte capacité à supporter le star-system (eh oui, Netrebko...) et une bonne tolérance pour ce qui entoure la star.
La vraie faute de goût de la saison est pourtant ailleurs : c'est le misérable concert du 29 septembre, avec une œuvre rare de Massenet (oui, il y a des gens que ça passionne, paraît-il) et surtout une œuvre alagno-alagnesque, avec le bon vieux Roberto chantant une musiquette de son frérot, avec un grand thème universel (la peine de mort) pour se donner bonne conscience. Il faut bien remplir les caisses, mais enfin...

Le baroque

Le baroque à Pleyel, c'est pire encore que l'opéra. Surtout quand on pousse le vice jusqu'à y faire de l'opéra baroque. La programmation est très intéressante - Agrippina de Haendel par René Jacobs, Phaéton de Lully par Christophe Rousset, vraiment, ça ne se refuse pas... mais cette acoustique ! Hors opéra, Savall autour du "goût français" entre Louis XIV et les Lumières, par exemple, c'est séduisant, mais quel dommage que ce ne soit pas à la Cité de la Musique ! Je signale également au passage le gala donné par Marc Minkowski pour les trente ans des Musiciens du Louvre - nostalgie, le magnifique gala des vingt ans, fête ramiste sans pareille, ce n'est pourtant pas si loin !

Musique de chambre

J'aime les programmations réactives. J'imagine que le grand succès d'un week-end consacré aux grands quintettes du répertoire il y a un an n'est pas étranger à l'invitation faite aux solistes de l'Orchestre Philharmonique de Berlin pour cette saison, avec 6 concerts 100 % Brahms (auxquels s'ajoutent deux concerts du Quatuor de Jérusalem). Il s'agit, bien sûr, de solistes d'orchestre, mais n'ayez pas peur : ces gens-là n'ont rien à envier à ceux qui se consacrent à une carrière soliste et c'est enivrant. Sans esbroufe, mais avec une écoute et un allant irrésistible. Et puis, charme de la musique de chambre : c'est aussi bien que quand c'est tout l'orchestre, mais c'est trois fois moins cher...
L'autre grand cycle de la saison est consacré à Beethoven : certes, ce n'est pas très original, mais après tout les tubes de musique de chambre sont par manque de programmation présentés deux ou trois fois moins souvent que les tubes symphoniques. Ce sera donc le quatuor Hagen qui, le temps d'un week-end d'avril, proposera la première moitié d'une intégrale de ses quatuors.
Le reste est évidemment plus varié ; passons sur les nombreux récitals de piano, où chacun piochera à sa guise (le provincial que je suis râle contre le fait que la plupart sont en pleine semaine) ; Maurizio Pollini continue ses passionnantes confrontations avec le répertoire contemporain, hélas sans moi en raison du comportement du public lors de ces concerts, et on remarque Vadim Repin, Hilary Hahn ou Denis Matsuev.

Et la musique contemporaine ?

Un regret pour finir. C'est la fatalité de cette situation en plein quartier à ISF, de ses structures de financement qui ne laissent pas beaucoup de marges, mais c'est dommage quand même : on aimerait quand même avoir un peu plus de musique contemporaine dans la programmation. Il y a bien une série de ce nom, mais elle est remplie à grand-peine par de la musique des années 60 ou des créations très en marge de la musique contemporaine vivante et innovante. Bien sûr, la Cité est là pour ça, mais quand même, c'est un peu triste.

vendredi 16 mars 2012

Tour d'Europe des saisons 2012/2013 - 1

Cette nouvelle édition du feuilleton de la publication des nouvelles saisons par les maisons d'opéra est, je trouve, particulièrement précoce ; cela fait quelques années que l'Opéra de Paris publie sa saison vers le 15 mars, mais voilà que d'autres maisons s'y mettent aussi.

mercredi 14 mars 2012

Ballet de l'Opéra, quand "aller vers l'avenir" se dit "Tourner en rond"

Brigitte Lefèvre, avant-dernière étape. La saison prochaine du Ballet de l’Opéra de Paris n’a pas à nous offrir de grands événements comme ce qu’ont pu être lors des deux précédentes la venue du Bolchoi (quoi que j’en ai pensé) et la création de La source de Jean-Guillaume Bart. Mais je pense, malgré tout, que je ne m’ennuierai pas trop, du moins en première partie de saison.

lundi 12 mars 2012

L'Opéra de Paris en 2012/2013, cheap et cher

Ce message, c'est un peu de la fiction : comme si on pouvait commenter la saison lyrique de l'Opéra de Paris du point de vue artistique, comme si ça m'intéressait vraiment encore, comme si l'Opéra comptait encore dans l'organisation de mon temps. Dans ces conditions, que ceux que ça intéresse suivent le guide...

NB : ce message ne parle que de la programmation. Il y a bien sûr de quoi dire, et combien, sur la nouvelle augmentation, masquée mais massive, du prix des places : la suite, donc, au prochain épisode.

vendredi 9 mars 2012

Mais qu'a-t-il de plus que nous ? Eloge du Royal Opera

Le temps passe, le temps passe... Bientôt, j'aurai l'occasion de vous parler comme chaque année des nouvelles saisons de quelques institutions culturelles choisies ; pour le moment, parlons un peu d'une d'entre elles, qui me tient de plus en plus à cœur : j'ai nommé le rendez-vous de la haute finance, le paradis des traders, la danseuse des marchés - le Royal Opera, donc, y compris le divin Royal Ballet dont je parlerai un peu plus bas.

Royal Opera House

mardi 21 février 2012

Baroque à tous les étages

Il n'est pas vraiment encore tout à fait entièrement là dehors à votre fenêtre, mais il approche : le printemps, Mesdames et Messieurs. Le printemps, mais pas n'importe quel printemps : un printemps baroque, Mesdames et Messieurs. À Paris et ailleurs, le baroque sera LA grande tendance de la saison en France, Paris, Province, Nord et Sud, Est et Ouest.
Oui, quand on n'a pas grand-chose à se mettre sous la dent, on compense et on regarde vers l'AVENIR (forcément radieux, surtout après le 6 mai).

Costume de Bellone pour une reprise des Indes Galantes

lundi 13 février 2012

Tirez sur l'intendant !

Ouh, le vilain mot ! Consonance française, mais hérédité allemande : Der Intendant, c'est en quelque sorte le mal incarné. Vous me direz que non, le mal incarné - à l'échelle du monde lyrique -, c'est le metteur en scène. Mais le monde évolue : au-dessus du metteur en scène, une nouvelle couche de malignité a sédimenté ces dernières années : le directeur d'opéra, qui ne se contente plus de consoler les divas au bord de la crise de nerf et d'enregistrer les pertes financières, mais se veut auteur de ses saisons : pas un artiste, certes, mais bien plus qu'un simple échelon administratif, quelqu'un qui fait des choix fondamentaux.

Sir Peter Jonas (à droite) avec Hans Werner Henze

lundi 6 février 2012

Benjamin Lazar : plus vide, plus niais, plus plat

L’extrême droite culturelle ? En France, elle est déjà au pouvoir, et depuis plusieurs années : c’est un peu le cas à l’Opéra de Paris, mais ce n’est nulle part aussi cohérent, aussi assumé, aussi agressif aussi qu’à l’Opéra-Comique. Et si le spectacle d’ouverture de la saison (mini-saison, maxi-subventions*…), Amadis de Jean-Chrétien Bach, restait à peu près digne tout en penchant du mauvais côté, L’Egisto de Cavalli pondu ces jours-ci par quelques-uns des artistes favoris de la direction de la maison est un véritable manifeste.

Quoi ! vous avez le front de trouver cela beau ? (photo P. Grosbois)


samedi 28 janvier 2012

La Chauve-souris : ça vous fait rire ?

Moi, oui, ça me fait rire. Pas La Chauve-souris, l'opérette de Johann Strauss, en elle-même : les histoires d'adultère bourgeois, c'est très bien pour Au théâtre ce soir, mais s'il vous plaît, je crois que ça suffit comme ça. Non, ce qui m'a fait bien rire, et une bonne partie du public aussi, c'est la version qu'en a proposé le jeune metteur en scène Thorleifur Örn Arnarsson, au nom aussi doux que celui des volcans de son pays natal, dans mon bien-aimé théâtre d'Augsbourg (représentations jusqu'au 18 avril - 45 minutes de train depuis Munich...).


Sally du Randt, Jan Friedrich Eggers (photo A. T. Schaefer)

jeudi 26 janvier 2012

Le diable à quatre - ou pourquoi la Cité de la Musique est la meilleure salle de concerts du monde (au moins)

Excusez-moi, il me faut au moins 48 heures pour m'en remettre. Oui, le mois de janvier est sacré de toute éternité, parce que c'est le mois de la biennale du quatuor à cordes (de toute éternité depuis 2008, en fait, puisque les deux premières étaient en novembre) (les étymologistes antiquisants me diront que c'est le mois de Janus, parce que vulgarité et ridicule d'un côté (Manon à l'Opéra), intelligence et distinction d'autre part (non non, je ne suis pas en train de lire Tristram Shandy, je fais juste des parenthèses dans les parenthèses pour le plaisir)).

Mes héros. Surtout Tabea Zimmermann, mais les autres aussi (photo Marco Borggreve)


vendredi 20 janvier 2012

Musicasola voyage, mais rend aussi hommage à Gustav Leonhardt (mauvais titre)

Oui, oui, c'est ça, trois messages d'un coup et après plus rien... Mais c'est que je n'ai pas rien fait, moi, ces temps-ci. Pour la partie de mes activités qui concerne mes chers lecteurs, je vais être très paresseux : je pourrais détailler critique par critique, avec un lien à chaque fois. Mais non : allez donc directement sur ma page de Resmusica ; vous y aurez droit à deux critiques en provenance de mon bien-aimé Théâtre de Bâle : une Carmen un peu décevante de Calixto Bieito, sauvé par une Carmen qui n'est pas loin d'être une véritable révélation, Tanja Ariane Baumgartner (qui avait chanté Geschwitz dans Lulu à Salzbourg), et une Rusalka (la première des deux Rusalka de cette saison...) mise en scène de façon imparfaite et brouillonne, mais intéressante, par une débutante prometteuse, Jurate Vansk.

Mais ce n'est pas tout : si vous patientez un tout petit peu, vous aurez droit sur cette même page à une critique du Don Carlo plein de stars donné en ce moment à l'Opéra de Munich (et en direct sur Internet, sur le site de la maison, ce dimanche soir - en direct uniquement, pas de séance de rattrapage) ; et un ou deux jours plus tard, un concert de la Radio Bavaroise dirigé par le grand seigneur Bernard Haitink (je me demanderai toujours pourquoi les concerts symphoniques que je critique comportent au moins une fois sur deux du Bruckner qui n'est quand même pas mon compositeur de prédilection - mais c'était la 4e, plus digeste, et c'était bien).

Bien sûr, je ne saurais oublier de rendre hommage, même rapidement, à l'admirable Gustav Leonhardt, que j'ai eu la chance de voir une dernière fois il y a moins d'un an, à Metz. D'abord parce que c'était un merveilleux claveciniste, amoureux des instruments autant que du répertoire, qu'il avait défriché avec un sixième sens unique, qui lui permettait de faire naître de la musique, vraiment, à partir de ce qui n'avait longtemps été que des gribouillis pour érudits. Ensuite parce qu'il avait une générosité incroyable, lui qui n'a jamais cessé de donner autant de concerts qu'il pouvait, pour toujours apporter cette musique au public sans jamais se mettre en avant. Austère, peut-être, sérieux, sans doute, mais avec aussi une chaleur humaine derrière la façade, et beaucoup d'amour. Enfin parce qu'il fait partie de ces quelques-uns à qui nous devons tout, lui qui a toujours combattu pour faire entendre ces musiques qu'une sotte vision du progrès faisait regarder avec condescendance - c'est d'autant plus important à dire qu'en ces temps de réaction triomphante tout ce travail vraiment créatif est mis en péril par l'armée des fossoyeurs, dont font partie, à titres divers, Nicolas Joel, Jean-Luc Choplin et Jérôme Deschamps. Mais oui, bien sûr, Massenet, Sondheim et Chabrier, c'est tellement mieux que Rameau, Froberger, Buxtehude et les autres...

Si j'avais le temps, je vous parlerais encore d'une autre petite chose : le Théâtre d'Augsbourg vient encore de frapper un grand coup avec une nouvelle production de La chauve-souris - oui, je sais, en général j'évite, mais à Augsbourg tout est possible. Juliane Votteler, l'intendante de cette discrète maison, a révélé depuis quelques années le grand talent de Jan Philipp Gloger, dont je vous avais amplement parlé et qui sera à l'oeuvre cet été à Bayreuth pour Le vaisseau fantôme. Cette fois, c'est en Islande, via Berlin, qu'elle a été faire son marché : je vous en dirai peut-être plus, mais j'espère bien entendre reparler de ce Thorleifur Örn Arnarsson. Peut-être, après tout, finirai-je par réussir à retenir son nom...

jeudi 12 janvier 2012

Amadis en mode Economie d'énergie

Amadis de Gaule, l’opéra de Johann Christian Bach donné pendant quelques jours à l’Opéra-Comique, c’est une bénédiction pour un critique : ça ne casse pas la tête, on ne fâchera personne, c’est parfait pour un dimanche après-midi en mode ralenti, et en plus c’est vite écrit.

Pourquoi voulez-vous une mise en scène, puisque vous avez un décor et des costumes ?

mardi 10 janvier 2012

Les vieux jours du révolutionnaire professionnel : Castorf, c'est fini

C’est un peu à l’insu de mon plein gré que je me suis rendu à la première de La dame aux camélias à l’Odéon : j’aime (j’aimais) bien Jeanne Balibar, mais le metteur en scène Frank Castorf ne me laissait guère d’espoir. J’avais tort : ce fut pire encore.

Kadhafi et Berlusconi en guest stars (photo Alain Fonteray/Odéon)

lundi 9 janvier 2012

Naples-Paris avec escale à Copenhague

Il y a des week-ends comme ça, où l’actualité se bouscule. Première critique-express donc, à propos de la venue du ballet du Danemark à Paris, en attendant La dame aux camélias à l’Odéon et la dernière d’Amadis de Gaule à l’Opéra-Comique.

Forcément, il y a le Vésuve ! Napoli, photo Costin Radu/RDB, avec Susanne Grinder et Ulrik Birkkjaer


mardi 3 janvier 2012

Golgota Picnic, bon appétit

Ne reculant devant aucun sacrifice et plutôt tentée de renouveler l'expérience réussie du spectacle de Romeo Castellucci, la maison Musicasola vous offre quelques impressions sur l'autre pièce distinguée par nos amis les réacs (les vrais, les purs et durs, pas les grisâtres façon Opéra de Paris) : Golgota Picnic, de l'Argentin Rodrigo Garcia.

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