jeudi 21 avril 2011

Le classique, c'est pas cool !

Un bon blogueur est avant tout quelqu’un de réactif : vous l’avez constaté, ce n’est pas ma qualité première. Il m’a fallu une bonne semaine pour parvenir à écrire trois lignes (enfin, façon de parler) sur la belle Coppélia présentée par l’École de danse de l’Opéra de Paris, il m’aura fallu trois semaines pour parler à mon tour d’un article dont on parle (un peu), celui du rédacteur en chef d’Arte Live Web Alexandre Lenot, pompeusement intitulé La musique classique, c’est vraiment fantastique, qui entend démonter les clichés qui pèsent, selon lui, sur la musique classique. On n’est pas déçu du résultat (quand on voit ce que devient Arte Live Web, avec cette déferlante d'électro-pop-jenesaisquoi pour bobos, on n’est à vrai dire pas très surpris).
Il y a bien entendu pas mal de choses justes à défaut d’être originales, et même quelques remarques bien vues, sur le conservatisme à base de jeunisme fossilisé d’une bonne partie du monde du rock, sur l’inanité du supposé conformisme prescriptif en direction de la musique classique (quand tous les médias du monde vous assènent au contraire les mérites des produits standardisés de la défaillante industrie musicale).
Mais il faut en échange subir un flot de sottises pavées de bonnes intentions : c’est ainsi que « la Symphonie N° 5 de Beethoven, c’est aussi immédiat, directement compréhensible et renversant que n’importe quel riff de guitare de Keith Richards » – l’adagio du quatuor op. 132 du même Beethoven, pour être assez nettement moins immédiat, en est-il moins génial ? L’auteur rappelle qu’il a travaillé pour un site Internet « qui tente de renouveler les façons de parler de la musique (…) en se faisant l’apôtre d’une écriture personnelle et décomplexée, débarrassée des diktats des savoirs, juste attachée à la sensation et à la défense de l’idée » – les autres sont tous des automates complexés qui veulent imposer leur savoir et ne sont pas fichus de parler de leurs sensations personnelles. Et l’auteur emploie bien de l’énergie pour tenter de démontrer que l’ouverture de Fidelio (pourquoi elle ?) n’a rien à envier question puissance à Daft Punk, que Sibelius, loin d’être un « contemplatif chiant », « n’est pas moins fascinant que les Canadiens de Godspeed You Black Emperor, et on pourrait même considérer qu’il partage avec eux une certaine esthétique » (définis « esthétique », mon petit), que « les Écossais des Mogway ou l’électronique de Boards of Canada demandent eux autant de patient que, au hasard, Stravinsky » (si tu n’aimes pas Stravinsky, mon petit, écoute autre chose). Les interprètes classiques ne sont pas des gens rigolos, mais heureusement qu’il y a des jeunes qui bougent pour rattraper le coup (Harding ou Dudamel sauvent la mise à ces vieux ronchons de Boulez* ou Paavo Järvi). Autrement dit, et c’est je crois le vrai cœur de cet article, la musique classique a besoin de se justifier (devant quelles accusations ?), et cette justification ne peut se faire qu’en démontrant qu’après tout, elle n’est pas plus mal que les productions de la variété d’hier et d’aujourd’hui.
Comme cet article n’est pas sans m’agacer quelque peu, je vais me faire le plaisir de reconstruire avec le plus grand soin quelques-uns des préjugés que ce Monsieur a tenté si gentiment de détruire.

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...