lundi 2 avril 2007

Opéra de Paris: la prochaine saison (1)

Des présentations de la saison de l'Opéra, vous en trouverez partout; voici néanmoins la mienne, avec commentaires. Pour les détails, vous pouvez aller voir sur le site de l'Opéra, vers lequel j'ai mis un lien.
La saison de Gerard Mortier est centrée autour du XXe siècle, avec une place importante aussi pour Wagner, en tant que précurseur universelle. Je m'en réjouis, mais j'avoue attendre toujours avec impatience qu'une saison mette le baroque au centre...
Je ferai un autre message pour le ballet.

Opéra
Les commentaires sont présentés ainsi:

Compositeur: Oeuvre [DVD si cette production est disponible]
Chef d'orchestre/Metteur en scène
Chanteurs remarquables s'il y a lieu (cela ne veut pas dire que les autres seront forcément mauvais)
Commentaire

REPRISES
Strauss: Capriccio [DVD]
Haenchen/Carsen
Kringelborn
Oeuvre très littéraire, dans un cadre XVIIIe, qui nécessite une bonne sensibilité musicale; belle production assez classique, tirant parti du cadre de l'Opéra Garnier. La distribution est de bon niveau, et heureusement Renée Fleming, qui figure sur le DVD, n'est plus là.

Donizetti: L'Elisir d'Amore
Pidò/Pelly
Comédie sympathique mais vraiment peu profonde; production très agréable et distribution sans grand relief.

Puccini: Tosca
Luisotti/Schroeter
Mélo réservé aux amateurs du genre; production qui se veut moderne mais est surtout plate, et désormais irrémédiablement usée par les très nombreuses reprises. Plusieurs chanteurs intéressants dans les deux distributions (Naglestad, Valayre, Galouzine, Ramey).

Haendel: Alcina
Spinosi/Carsen
Un des meilleurs opéras de Haendel, avec une histoire troublante et riche et une musique qui ne faiblit jamais. La distribution est de bon niveau, mais l'intérêt principal est la merveilleuse mise en scène de Robert Carsen, dont je ne manquerai pas de reparler. Un des plus grands spectacles de la dernière décennie.

Strauss: La Femme sans ombre
Kuhn (?)/Wilson
Oeuvre au symbolisme un peu plus chargé qu'il ne faudrait, peu dramatique, heureusement "allégée" par une mise en scène cette fois très pertinente de Robert Wilson. La distribution semble incertaine, a fortiori si Gustav Kuhn dirige cette production.

Hindemith: Cardillac
Ono/Engel
Ventris, Workman
Oeuvre courte mais très ennuyeuse, avec un livret sans intérêt et une musique terne. La production d'André Engel repose uniquement sur de gros décors; elle est totalement dépourvue de vie et de finesse.

Rossini: Il Barbiere di Siviglia [DVD]
Piollet/Serreau
La production banale et sans idée de Coline Serreau ne suffisait pas: il fallait encore y mettre une distribution parmi les plus ternes qu'on ait vues (Maria Bayo en Rosine!)... Il y a mieux à faire ailleurs!

Gluck: Iphigénie en Tauride
Bolton/Warlikowski
Delunsch
En voyant ce spectacle en juin 2006, je me suis rendu compte que cette musique tournée vers une efficacité dramatique un peu primaire ne me faisait pas grand chose. La production, qui est plus une installation d'art contemporain qu'un moment de théâtre, n'arrange pas les choses. La distribution gagnera certainement au retour de Mireille Delunsch dans un de ses grands rôles, à place des deux chanteuses pâlottes de 2006.

Bellini: I Capuleti e i Montecchi
Pidò/Carsen
Oeuvre d'intérêt moyen, avec une production qui n'est pas la plus réussie de celles de Robert Carsen. Le tout est simplement un prétexte pour tourner un DVD avec la starlette du moment, Anna Netrebko. Là encore, vous pouvez aussi aller vous promener.

Verdi: Don Carlo
Currentzis/Vick
Secco, Guryakova
Un des opéras intéressants de Verdi; j'ai vu cette production il y a trop longtemps pour en avoir un souvenir précis, mais cela ne devait pas être trop mal. Distribution intéressante.

Mozart, Les Noces de Figaro [DVD] reprise aux Amandiers à Nanterre
Cambreling/Marthaler
Pour démocratiser l'opéra, Mortier envoie une production qu'il aime à Nanterre, où les jeunes de banlieue se précipiteront sans nul doute sur les places à 80 € (tarif unique). Par ailleurs une des productions les plus stupides de l'ère Mortier: les Noces de Figaro réduites à du théâtre de boulevard. Ne nous y trompons pas, les bourgeois conservateurs adorent.

REPRISES de productions que je n'ai pas (encore) vues
Verdi: La Traviata

Oren/Marthaler
Secco, Van Dam
Oeuvre peu profonde, à forte tendance lacrymale. On peut aimer si on veut. La production de C. Marthaler, probablement transposée dans la RDA des années 60, risque fort de faire grincer des dents.

Charpentier:Louise
Davin/Engel
Je vais voir cette production demain. En attendant il n'y a qu'un Charpentier, et il n'est pas prénommé Gustave mais Marc-Antoine. Il a écrit un opéra extraordinaire, Médée. Voilà le Charpentier qu'il faut donner à l'ONP.

NOUVELLES PRODUCTIONS

Dukas: Ariane et Barbe-Bleue
Cambreling/Viebrock
Polaski, Palmer
Oeuvre totalement inconnue de moi; je crains pour la production, confiée à la décoratrice habituelle de C. Marthaler.

Wagner: Tannhäuser
Ozawa/Carsen
Wagner, c'est toujours indispensable, mais Tannhäuser n'est pas mon préféré. La distribution n'est pas exaltante, mais on peut attendre un grand spectacle de la part de R. Carsen.

Verdi: Luisa Miller
Zanetti/Deflo
Oeuvre à peu près sans intérêt, et distribution dans la moyenne. Mortier assure ses arrières avec une production a priori classique qui ne choquera personne.

Stravinsky: The Rake's Progress
Gardner/Bondy
Spence, Summers
Oeuvre magnifique, qui ne se livre pas forcément au premier coup d'oeil. On ne sait ce que fera Bondy, mais l'ensemble est assez excitant.

Wagner: Parsifal
Haenchen/Warlikowski
Ventris, Meier
Deux merveilleux chanteurs rachèteront, on l'espère, la production probablement autiste d'une fausse valeur chère à Mortier... Evidemment, on a là un des plus extraordinaires opéras de répertoire!

Berg: Wozzeck
Cambreling/Marthaler
Oeuvre indispensable, qui n'a pas été assez donnée jusqu'à présent à l'ONP. Malheureusement M. Marthaler n'a pas l'outillage nécessaire pour aborder la dramaturgie d'une grande finesse de l'oeuvre de Berg. Distribution intéressante.

Dallapiccola: Il Prigioniero
Zender/Pasqual
Quoi de plus intéressant que d'aller voir une des oeuvres phares de l'avant-garde musicale et dramatique?

Haas: Melancholia Création mondiale
Pomarico/Nordey
Peut-on aimer l'opéra sans être excité par une création? Je ne connais pas ce compositeur, mais vive l'audace!

© Valery Gergiev™

On sait que Valery Gergiev, le chef le plus occupé de la planète, le Poutine de la musique, dirige trop pour que toutes ses apparitions soient d'un bon niveau, et que sa carrière est plus formée de conquêtes et de stratégies de pouvoir que de passions artistiques. Valery Gergiev, avant d'être un chef d'orchestre, est une marque commerciale. Pendant longtemps, Paris n'était pas un marché prioritaire; c'est désormais le cas, et c'est dans ce cadre qu'il faut voir le concert qu'il a donné hier à la Salle Pleyel avec l'un de ses orchestres, le London Symphony Orchestra.
A la décharge de Gergiev, l'orchestre (qui ne fait de toute façon pas partie des meilleurs du monde) était particulièrement peu satisfaisant, peut-être aussi faute de préparation. Les magnifiques Symphonies d'instruments à vent de Stravinsky en étaient particulièrement brouillonnes, même si les Debussy (Prélude à l'après-midi d'un faune et La mer) voyaient l'orchestre un peu plus sûr de lui. Le pire était donc à venir, avec un Sacre du Printemps qui comptera certainement parmi les pires massacres de cette oeuvre. On commence très fort avec le solo de basson au début: faux, archifaux, et pas en rythme de surcroît. Le reste est à l'avenant: l'approche de Gergiev est brutale, tonitruante, sans doute parce que c'est le meilleur moyen de se gagner les faveurs du public tout en masquant les problèmes. De temps en temps une nuance inattendue, un ralentissement un peu gluant; aucune notion de progression dramatique, ni de mystère, et des instrumentistes trop peu préparés pour pouvoir suivre...
Triste concert, pauvre Stravinsky. Consolons-nous cependant: l'année prochaine sera à Paris aussi une année Boulez, qu'on a vu souvent diriger ces oeuvres avec précision et intelligence. De moins en moins voyageur le grand âge venant, et donc toujours plus à Paris, il offrira ainsi au public une occasion à ne pas manquer d'entendre cette musique qu'il a tant aimé sous la lumière simple de la vérité musicale.
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